Les défis de la voiture électrique Recevez les alertes de dernière heure du Devoir
Un à un, les constructeurs automobiles annoncent prendre le virage électrique. Il est attendu que 2021 marquera un tournant avec une accélération de la croissance des parts de marché accaparées par les véhicules dits à zéro émission. La côte à monter se veut toutefois abrupte.
L’Allemand Daimler, fabricant des Mercedes et des Smart, est entré dans la danse jeudi en promettant des investissements de 40 milliards d’euros dans sa transition vers le tout électrique avant 2030, en écho à la volonté exprimée par la Commission européenne. Bruxelles a proposé un renforcement des normes européennes visant une réduction de 15 % des émissions de CO2 en 2025 par rapport à 2021, de 55 % en 2030, puis une interdiction de vente de voitures neuves à essence et au diesel pour 2035.
Le groupe Stellantis, qui rassemble PSA (Peugeot-Citroën-Opel) et FCA (Fiat-Chrysler), parle d’injecter 30 milliards d’euros dans l’électrification de ses gammes d’ici 2025. Volkswagen ajoute à la surenchère en disant vouloir vendre 50 % de véhicules électriques d’ici 2030 et « presque 100 % » en 2040 sur ses principaux marchés, un virage accompagné d’une enveloppe de 73 milliards d’euros comprenant l’installation d’un réseau de bornes de recharge rapide à travers le monde.
Volvo prévoit de retirer de son catalogue d’ici 2030 tous ses modèles à combustion, y compris les hybrides. Pour sa part, Renault affiche sa détermination à offrir « le mix le plus vert du marché européen en 2025 », avec plus de 65 % de véhicules électrifiés d’ici 2025.
Ailleurs, GM a manifesté l’intention de ne plus fabriquer d’ici 2035 de « voitures à émissions polluantes », alors que le numéro un mondial, Toyota, prévoit de réaliser en Europe 10 % de ses ventes en électrique et hydrogène d’ici là, aux côtés de 70 % d’hybrides, 10 % d’hybrides rechargeables et 10 % de voitures à essence, peut-on lire dans une recension faite par l’Agence France-Presse.
Le changement de cap est rapide. À l’échelle mondiale, Oxford Economics prévoit que la part de marché des véhicules hybrides et électriques atteindra cette année 16 % des nouveaux véhicules vendus, contre 11 % en 2020. Sur le Vieux Continent, cette part dépasserait les 30 % cette année pour toucher les 80 % en 2030, croit la firme de recherches. Cette impulsion européenne ferait passer le poids des automobiles hybrides et électriques à plus de 40 % à l’échelle mondiale au terme de la décennie. Il serait légèrement plus haut en Asie et en Chine, mais sous les 30 % aux États-Unis (contre 10 % prévus en 2021), quoique le plan du président américain,Joe Biden, pourrait déplacer cette cible vers le haut.
Route sinueuse
Derrière ces projections en apparence belles se profile une route plutôt sinueuse. Ne serait-ce qu’en Europe, où le fossé créé par l’écart de prix entre les électriques et leurs équivalents à essence et diesel se fait sentir malgré la présence de généreux programmes d’incitation. Il y a une fracture dans l’abordabilité entre l’Europe centrale et orientale et l’Europe de l’Ouest, ainsi qu’une fracture Nord-Sud, amplifiée par les écarts de revenu par habitant, concluait en juillet le directeur général de l’Association des constructeurs européens d’automobiles.
Oxford Economics rappelle, d’ailleurs, que le principal défi demeure les coûts de production de la batterie, qui peut compter pour 30 % du prix de revient. Mais « l’on s’attend à une parité avec le coût de fabrication d’un véhicule à combustion interne vers la mi-2020, avec le coût de la batterie passant de 130 $US le kWh à moins de 100 $US ».
Défis majeurs
Une fois cet obstacle supprimé, l’inclinaison de la côte à monter pour atteindre les niveaux de carboneutralité respectant les paramètres de l’Accord de Paris ne sera pas pour autant atténuée. Prenant l’exemple du Canada, l’Institut C.D. Howe indiquait cette semaine que 7,7 millions de véhicules à zéro émission devraient être sur les routes en 2030, soit l’équivalent de 30 % du total des véhicules, si Ottawa veut atteindre ses objectifs de réduction des émissions de GES dans le secteur des transports. On en comptait 202 000 en décembre dernier.
Parmi les autres défis majeurs, l’analyste géopolitique de la Banque Nationale Angelo Katsoras faisait ressortir dans une analyse publiée en juin que la construction d’une voiture électrique ordinaire nécessite six fois plus de minéraux qu’une voiture à moteur à combustion interne. Sans compter la compétition venant d’autres projets de transition énergétique. Par exemple, la construction d’un parc éolien sur terre engage neuf fois plus de ressources qu’une centrale au gaz, a-t-il illustré.
Parmi les principaux obstacles, l’Agence internationale de l’énergie a calculé qu’il faut en moyenne 16 ans pour évoluer du stade de la découverte à celui de la production minière. À la liste s’ajoute la domination de la Chine dans le traitement des minéraux nécessaires. « Les entreprises chinoises ont également un contrôle considérable sur l’exploitation minière de ces minéraux, même si les réserves se trouvent en grande partie dans d’autres pays […] Si les États-Unis ne parviennent pas à faire des progrès notables pour rehausser leurs propres capacités d’approvisionnement nationales, la transition écologique impliquera pour eux en pratique de renoncer à leur indépendance pétrolière et gazière pour devenir tributaires de la Chine pour des produits essentiels », écrit l’analyste.
Reste l’origine de la source d’alimentation des batteries et l’absence de consensus scientifique quant aux répercussions sur le climat du véhicule à zéro émission lorsque l’ensemble de son cycle de vie est pris en compte.