Tabac : un vaccin génétique contre la nicotine pour arrêter de fumer ?
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Ce pourrait être une grande nouvelle pour tous les fumeurs qui souhaitent arrêter la cigarette. Des chercheurs du Weill Cornell Medical College (New York) annoncent avoir développé un potentiel vaccin capable de bloquer les effets de la nicotine, utilisable pour les personnes dépendantes au tabac.
L'intention n'est pas nouvelle. Plusieurs techniques de vaccination ont déjà été proposées mais elles se sont toutes révélées infructueuses. Les premières, considérées comme passives, nécessitaient l'injection en intraveineuse d'anticorps dirigés contre la nicotine. À l'inconvénient de la limite de l'efficacité dans le temps s'ajoutaient le coût élevé et des problèmes d'ajustement des doses en fonction des patients et de leur passé de fumeur. La vaccination active, celle qui consiste à stimuler directement le système immunitaire, est plus difficile à mettre en place, du fait de la trop petite taille de la nicotine. Un test est cependant actuellement en cours sur un produit utilisant des nanoparticules.
Un vaccin génétique qui pousse à la synthèse d’anticorps
Cette fois, les chercheurs proposent dans Science Translational Medicine un vaccin génétique. Un virus adénoassocié (adénovirus), portant la séquence d'ADN permettant de synthétiser un anticorps contre la nicotine, a été injecté une seule fois chez des souris. Ce vecteur viral, inoffensif pour l'animal comme pour l'Homme, insère son génome dans celui des cellules hépatiques du rongeur, transformant le foie en usine de production d'anticorps.
De la souris à l'Homme : le vaccin contre la nicotine produira-t-il le même effet une fois testé sur l'espèce humaine ? Il faudra être patient pour connaître la réponse, qui tombera dans quelques années. © Pascal Dolémieux, Sanofi Pasteur, Flickr, cc by nc nd 2.0
Pour vérifier l'efficacité de la technique, une dose élevée de nicotine (l'équivalent du contenu de deux cigarettes) a été injectée aux souris. Dans le cerveau des animaux vaccinés, la concentration en nicotine chutait de 85 %. Les effets physiques de la molécule ont été mesurés. Si les rongeurs du lot témoin présentaient des signes de détente, avec une baisse de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque ainsi que quelques modifications locomotrices, aucun de ces symptômes n'a été observé chez les souris traitées.
Les anticorps antinicotiniques séquestrent avec succès la molécule qu'ils ciblent, puisque 83 % de la nicotine retrouvée dans le sang était liée à son immunoglobuline G (la protéine anticorps), soit sept fois plus que chez les animaux témoins. Les complexes immuns ainsi formés sont ensuite métabolisés et excrétés dans les urines.
Dix-huit semaines après l'injection du vaccin, les taux d'anticorps restaient toujours aussi élevés. Les auteurs supposent que cela pourrait s'étendre sur toute la vie de l'animal et espèrent qu'un tel effet pourra être observé chez l'Homme.
Immuniser les adolescents à la nicotine
Car à terme, comme on peut le deviner, leur ambition n'est pas de sauver les souris d'une overdose de nicotine, mais bien de développer un vaccin pour aider ceux qui souhaitent arrêter de fumer. L'équipe n'en est pas à son premier coup d'essai puisque, début 2011, elle publiait dans Molecular Therapy le même procédé pour un vaccin contre la cocaïne.
Plus on commence à fumer tôt, plus grand est le risque d'addiction au tabac. Faudra-t-il vacciner les adolescents contre la nicotine pour éviter qu'ils ne deviennent accros ? © Nationaal Archief, Wikipédia, DP
La nicotine, l'une des 4.000 substances que l'on retrouve dans une cigarette, a été pointée du doigt dans l'addiction au tabac, procurant du plaisir à la personne qui l'ingère en modifiant l'activité cérébrale. Les chercheurs estiment qu'en empêchant la molécule d'agir, le patient ne ressentira plus le plaisir associé à la cigarette, ce qui l'aidera à décrocher définitivement.
Le principe est simple, mais fonctionne-t-il vraiment ? Tout d'abord, on ignore si le même effet se retrouvera chez l'Homme. Des essais cliniques seront lancés uniquement quand les protocoles auront été appliqués aux rats et à des primates non-humains. Enfin, même si 15 % de la nicotine d'une cigarette se retrouve dans le cerveau, on ne peut pas encore présager si cela sera suffisant pour arrêter de fumer.
D'autre part, un tel vaccin ne débarrasse pas de l'envie de nicotine, il rend simplement le manque impossible à combler. Cette privation risque d'entraîner des troubles psychologiques comme une dépression, au moins de manière temporaire, et laisse supposer que des thérapies complémentaires devraient être mises en place pour accompagner le patient jusqu'au sevrage définitif. Au final, il ne faut pas attendre des miracles de ce vaccin et espérer qu'il devienne la solution ultime pour arrêter de fumer sans souffrance.
Un autre point, soulevé par Ronald Crystal, le chercheur qui a supervisé le travail, suscite la polémique. Il laisse sous-entendre que ce traitement préventif pourrait être injecté chez des adolescents avant même qu'ils n'aient touché à une cigarette. « De la même façon que des parents décident de vacciner leur enfant contre le papillomavirus, ils pourraient décider de le protéger aussi de la nicotine », fait-il savoir dans un communiqué de presse. Éviter l'addiction à la source, est-ce la meilleure des solutions ?