"Une jeune fille qui va bien" : un scénario ambitieux et une distribution parfaite "Une jeune fille qui va bien" : un scénario ambitieux et une distribution parfaite
— Dans le dossier de presse, Sandrine Kiberlain explique qu’elle s’est lancée dans la réalisation, parce qu’un jour, à force d’avoir essayé de comprendre, sur les tournages, comment se fabrique un film, à force aussi d’avoir observé, successivement, le fonctionnement de tous les postes d’un plateau (photo, caméra, son, décors, costumes, accessoires, etc.), elle s’était sentie « prête » pour sauter le pas. Et au vu de ce qui est son premier long métrage (elle avait tourné un court, Bonne figure), on lui donne raison. Sa Jeune fille qui va bien est d’une maîtrise qui coupe le souffle. Lumières, décors, costumes, distribution, montage… aucun point faible. Les scènes sont à leur juste place, d’une longueur idéale, et dans le bon tempo.
— Le scénario est audacieux, qui mêle avec une adresse folle l’évocation de deux sujets qu’on devine majeurs, obsédants, cruciaux pour elle : la période de l’Occupation et le métier d’acteur. Evidemment, écœurement pour le premier, passion folle pour le second, évidemment aussi. Ce scénario est d’autant plus habile qu’il laisse presque tout ce qui est symbolique « hors champ ». Pas de drapeaux nazi ni de SS pour évoquer, par exemple, la période dans laquelle se déroule le film. Et pourtant, on ressent tout de la menace effrayante, inouïe de cette époque pour les citoyens juifs. Sandrine Kiberlain ne prend pas le spectateur pour un imbécile, elle lui donne des indices pour comprendre. Il en est de même en ce qui concerne la passion de son héroïne pour le théâtre. Cette dernière, Irène, n’en parle pas (ou presque). Simplement, cette passion se lit sur son visage quand elle va à ses cours de théâtre et qu’elle répète une scène.
- Entièrement constituée par la cinéaste, la distribution est parfaite. A commencer bien sûr par le choix de Rebecca Marder pour être Irène. On connaissait cette jeune interprète pour ses rôles à la Comédie Française (où elle excelle depuis son entrée) et pour ses nombreuses participations dans des films très différents (récemment, Tromperie d’Arnaud Desplechin, Seize Printemps de Suzanne Lindon, La Daronne de Jean-Paul Salomé…), mais c’est la première fois qu’à l’écran, elle tient le haut de l’affiche. Dans ce personnage d’apprentie actrice qui rit, joue, aime et s’évanouit avec le même naturel et la même candeur, elle est merveilleuse. Belle et sublime, elle est d’une vitalité folle, à la fois d’une justesse époustouflante et en même temps d’une fragilité de cristal. Rares sont les interprètes qui, sous l'éclatante gaieté de leur rôle, savent, comme elle, faire affleurer le tragique. Rebecca Marder a 26 ans. Elle éclabousse l’écran. On peut parier qu’une grande carrière l’attend.
Ses partenaires sont évidemment à la même hauteur de jeu. André Marcon joue son père avec une sobriété bouleversante, Anthony Bajon est étonnant de candeur dans le rôle de son frère. Quant à India Haïr qui interprète son amie, elle prouve une fois encore qu’elle est capable de faire rire et d’émouvoir avec le même talent.